Page 16 - tmp
P. 16
12 LE TRAYAS (VAR)
que les officiers topographes d'état-major avaient
été jusque-là les seuls à peu près à contempler, —
pour débusquer des familles entières de sangliers
dans les halliers des creuses ravines, — il fallait
courageusement livrer bien des loques aux buissons,
et abandonner aux clapiers tranchants les reliques
de ses souliers. Vers 1890 seulement, un forestier de
génie (ce terme n'a rien d'excessif), M. Muterse,
garde général à Fréjus, appréciant à toute leur valeur
les beautés de l'Esterel, résolut de les rendre acces-
sibles : non content de restaurer en d'habiles travaux
de reboisement la forêt de pins compromise par de
trop fréquents incendies, il entreprit de créer, dans
le domaine forestier de l'Etat, c'est-à-dire dans la
majeure et la plus jolie partie de l'Esterel, tout un
réseau serré de bonnes routes et de sentiers en zig-
zags confortables, larges d'un mètre, en pente très
douce et praticables aux bêtes de somme ; ses succes-
seurs respectèrent et développèreut son intelligent
programme; terminé en 1896, il comprend actuelle-
ment trois ou quatre cents kilomètres de délicieux
chemins, qui permettent aux gardes de surveiller et
arrêter rapidement les commencements d'incendies
volontaires ou accidentels, et qui, pour les touristes,
ont transformé le massif entier en un délicieux parc
d'agrément : on a bien nommé M. Muterse le Dene-
court de l'Esterel, à cette différence près qu'il a
laissé de côté ces trop pratiques marques et poteaux
indicateurs qui, dans les portions fréquentées de la
forêt de Fontainebleau, civilisent, avec un malencon-
treux excès, les charmes agrestes de la nature. Il a fait
des pentes du cap Roux, du pic d'Aurelle et de la
montagne de l'Ours, — des ravins du Mal-Infernet,
du Perthus, du Pigeonnier, un véritable parc natio-
nal. Les porphyres et les pins de l'Esterel, bien que
rendus aisément parcourables dans tous les sens,
bien qu'ayant perdu la fâcheuse réputation d'insé-